Agir en cas de disparition

Fugue

Une fugue représente toujours une mise en danger du mineur. A ce titre, elle doit faire l’objet d’une attention particulière notamment en ce qui concerne la raison du départ de l’enfant et la préparation de son retour. La fugue est, le plus souvent, de courte durée, mais peut se transformer dans certains cas en une véritable errance et se prolonger pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

La fugue ne constitue 

pas un délit

La fugue ne fait pas l’objet d’une définition légale ni de dispositions particulières. Au sens policier, le mineur en fugue est celui qui a quitté son lieu de vie habituel, domicile ou institution et s’est soustrait à l’autorité des personnes ou de l’institution qui en a la garde. Les fugues représentent plus de 90% des signalements disparition de mineurs.

Les différents types

de fugues

  • La fugue test : tentative de l’enfant de vérifier le degré d’attachement des adultes à son égard.
  • La fugue de rébellion : généralement liée à une demande de liberté et d’autonomie d’un(e) jeune qui s’oppose à l’autorité du parent ou de l’éducateur.
  • La fugue sous l’influence d’un tiers : fugue amoureuse, emprise d’un tiers ou d’un groupe
  • La fugue par mal-être : souffrance psychique, idées noires…
  • La fugue de « survie » : lorsque l’enfant cherche à fuir un danger, des représailles (peur des conséquences d’un acte ou peur d’une sanction) ou qu’il tente d’échapper à un environnement malmenant ou violent.
  • La fugue par opposition au placement : conflit de loyauté, inquiétudes de l’enfant pour ses parents.

Face à une situation conflictuelle que vous craignez de voir déboucher sur une fugue, trois possibilités sont à envisager :

  • Proposer à votre enfant de vivre temporairement hors de votre domicile (chez l’autre parent, chez un autre membre de la famille, un tiers digne de confiance, ou dans un internat par exemple).
  • Faites-vous aider d’un tiers (médiateur familial, psychologue, Maisons des Adolescents).
  • Demander une assistance éducative (ASE, Juge pour Enfant)

Si vous craignez la fugue de votre enfant, n’hésitez pas à appeler le 116 000, Afin d’échanger avec un(e) professionnel(le).

Les signes pouvant indiquer une souffrance et un risque de fugue chez votre enfant

  • L’enfant, l’adolescent change de comportement brusquement (révolte fréquente, isolement, dépression, changement d’amis ou de rythme de vie).
  • Il ou elle accumule de l’argent ou des affaires en cachette.
  • Le climat familial est tendu,
  • Il ou elle commence à évoquer la fugue en testant votre réaction.
  • Il ou elle rencontre des difficultés scolaires ou est victime de harcèlement à l’école.
  • Il montre un stress important face aux critiques ou à l’échec.
  • Il se pose des questions sur son orientation sexuelle et se sent mal dans sa peu.
  • Il a déjà fugué et a vécu cette expérience positivement et minimise les dangers.
  • Il ou elle passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux et refuse d’en parler.
  • Il ou elle consomme des psychotropes, a des comportements très sexualisés ou des conduites prostitutionnelles.

Si vous pensez que votre enfant présente plusieurs de ces signes, il peut être important de valider votre inquiétude en parlant à son entourage. C’est aussi l’occasion de lui proposer un temps pour échanger sur ce qui le préoccupe, en s’abstenant de le juger et en favorisant l’expression de ses émotions. Une fois un problème identifié, l’important est d’aider votre enfant à réfléchir aux différentes solutions et alternatives à la fugue qui peuvent être déployées.

Savoir repérer les éléments déclencheurs

Même si des signes évoqués précédemment sont présents, rien ne dit que votre enfant va automatiquement passer à l’acte. Il y a un certain nombre d’éléments déclencheurs qui peuvent être repérés et aider à prévenir la fugue de votre enfant :

  • Un sentiment de culpabilité suite à une erreur commise (dans la famille, à l’école, dans son groupe d’amis…) et la peur d’en affronter les conséquences.
  • Un sentiment d’avoir vécu une injustice, qui se double souvent de l’impression de ne pas avoir été compris.
  • Une situation lui donnant l’impression d’être rejeté et de ne pas bénéficier de l’attention qu’il mérite.
  • Un conflit ouvert dans le cadre familial avec l’un de ses parents ou un membre de la fratrie.
  • L’interdiction de vivre quelque chose lui tenant énormément à cœur (privation de portable, interdiction de sortie…).
  • Un ami qui l’invite à fuguer avec lui/elle.
  • Une expérience traumatisante (agression sexuelle, rupture, décès d’un proche, déménagement…).

Effectuer les premières démarches

Face à la fugue de votre enfant, il est essentiel de garder votre calme. Avant tout signalement à la police ou à la gendarmerie, vous pouvez :

  • Collecter les indices que votre enfant a pu laisser et qui orienteront l’enquête :
    • un message laissé par votre enfant (lettre, textos, message vocal…),
    • les objets absents qui font penser que le départ était programmé (sac avec des vêtements de rechange, trousse de toilette, papiers d’identité, carte de transport, argent…).
  • Contacter les amis de votre enfant et leurs parents. Les enfants ne vous diront pas forcément tout ce qu’ils savent en pensant protéger leur copain ou leur copine, mais vous pouvez leur faire passer le message de votre inquiétude. Il est important que vous leur réaffirmiez que vous ne sanctionnerez pas l’enfant pour son départ.
  • Vous rendre sur les lieux qu’il fréquente régulièrement et interroger les personnes s’y trouvant.
  • Tenter de le joindre sur son téléphone portable s’il en dispose.
  • Veiller à ce qu’une personne reste à votre domicile dans l’hypothèse où votre enfant appellerait ou rentrerait en votre absence.

Signaler la disparition

Si votre enfant est toujours porté disparu après ces vérifications, un signalement doit être déposé aux services de police ou de gendarmerie le plus proche de votre lieu d’habitation.

Avant de vous y rendre :

  • Préparez un document contenant les indices récoltés (qui vous permettra d’être plus clair face aux enquêteurs), une photo récente de votre enfant et une pièce d’identité.

Lorsque vous faites le signalement :

  • Demandez à ce que votre enfant soit inscrit au Fichier des Personnes Recherchées (FPR).
  • Demandez à ce que l’on vous tienne au courant de l’avancée des recherches.
  • Prenez les coordonnées du service enquêteur.
  • Insistez bien sur votre inquiétude auprès des enquêteurs.

Cas particuliers :

Si votre enfant a fugué d’un foyer, c’est à ce dernier de faire le signalement de la fugue. Cependant, n’hésitez pas à aller voir le commissariat ou la gendarmerie qui a pris le signalement pour leur faire parvenir des informations supplémentaires.

Refus d’enregistrement de votre signalement : Si le commissariat ou la gendarmerie n’a pas voulu effectuer le signalement : appelez le 116 000.

Poursuivre les recherches

Après le signalement fait auprès de la police ou de la gendarmerie, poursuivez vos recherches. Votre action sera déterminante.

  • Contactez le 116000, les chargés de dossiers du 116 000 Enfants Disparus vous accompagneront jusqu’au retour de votre enfant et dans le rétablissement de votre relation parent-enfant.
  • Continuez vos investigations auprès des connaissances de votre enfant, donnez leurs contacts aux services de police ou de gendarmerie.
  • Si vous avez accès aux messageries instantanées de votre enfant, recherchez d’éventuels rendez-vous ou des contacts avec des personnes que vous ne connaissez pas.
  • Suivez les réseaux sociaux que votre enfant fréquente pour observer l’activité et y rechercher des indications sur les lieux où il se trouverait ou sur les personnes avec lesquelles il serait susceptible d’être.
  • Rendez-vous sur les lieux habituellement fréquentés par votre enfant, pour y alerter les adultes présents (services de sécurités, gérants…)
  • Vérifier de façon régulière si son téléphone est allumé.

Diffuser votre avis de recherche

  • Appeler le 116 000 Enfants Disparus pour diffuser un avis de recherche. Les chargés de dossiers pourront échanger avec vous sur la pertinence d’une publication d’avis de recherche sur le site 116000enfantsdisparus.fr et les réseaux sociaux (Facebook & Twitter). Diffuser un avis de recherche peut montrer à l’enfant que vous mettez tout en œuvre pour le retrouver et que vous souhaitez qu’il reprenne contact avec vous. Cela peut aussi permettre de faire émerger des témoignages, et aider à le retrouver. Toutefois il n’est jamais anodin de diffuser une photo de son enfant, et les services d’investigations peuvent le déconseiller si la diffusion gène l’enquête ou accroit le danger.
  • Médiatiser la fugue de votre enfant. La médiatisation n’est pas conseillée pour tous les jeunes. Il est très important de se préparer à la diffusion dans les médias et de se poser un certain nombre de questions préalables.

Votre enfant en fugue vous appelle, comment réagir ?

Bien souvent, lorsqu’un enfant fugueur appelle ou prend contact via les réseaux sociaux, c’est parce qu’il souhaite tester l’accueil qui lui sera réservé en cas de retour, vous rassurer, demander de l’aide ou encore négocier les conditions de son retour. Voici quelques conseils :

  • Maintenir le contact et rétablir une relation avec lui. Il s’agit pour vous d’essayer de ne pas vous laissez emporter par vos émotions.
  • Être calme et clair dans vos propos. Vous pouvez lui faire part de votre inquiétude, de votre tristesse mais aussi de votre joie d’avoir de ses nouvelles.
  • Assurez-vous qu’il est en sécurité en favorisant les questions fermées (réponses par oui ou non) comme « Es-tu en sécurité ? ». S’il s’avère être en danger, vous pouvez lui demander s’il peut parler librement, s’il peut sortir d’où il est, et s’il souhaite que vous veniez le chercher.
  • Tentez de comprendre les raisons de sa fugue et de trouver des solutions avec lui. Il est tout à fait possible de lui demander directement ce qu’il souhaite exprimer par sa fugue, s’il souhaite que quelque chose change et si oui quoi.
  • Proposez-lui des rendez-vous téléphoniques ou de vous rencontrer dans un lieu neutre afin de garder une relation avec lui s’il ne souhaite pas rentrer.

Attention : Si vous rencontrez physiquement votre enfant, gardez à l’esprit qu’il ne doit pas s’agir d’une embuscade pour tenter de le ramener. Laissez-le libre de ses mouvements afin de ne pas fragiliser la confiance qu’il a placé en vous en acceptant de venir à ce rendez-vous (sauf en cas de danger avéré, nécessité médicale ou psychique).

Vous pouvez lui proposer des alternatives à sa fugue afin de préparer son retour.

« Comment dois-je l’accueillir ? »

« Comment lui exprimer mon ressenti ? »

« Est-ce que je peux lui refaire confiance ? »

Autant de questions qui peuvent se poser à vous et qui doivent vous inviter à vous préparer à ce moment. Pendant la fugue de votre enfant, prenez le temps de réfléchir sur les raisons de son départ, les solutions que vous pouvez mettre en place pour prévenir une nouvelle fugue et vos limites (ce que vous êtes prêt ou non à changer dans votre relation parent/enfant). Cette réflexion vous permettra d’extérioriser vos émotions et ainsi d’être plus calme pour accueillir votre enfant. Vous pouvez être aidé par des échanges avec vos proches ou des professionnels.

  • Prenez le temps de profiter des retrouvailles et exprimez votre joie du retour de votre enfant ! Avant d’établir un échange, vous pouvez partager un repas avec lui, lui laisser le temps de se reposer, de se laver, de se changer… Essayez d’être calme et positif, privilégiez les moments passés ensemble plutôt que d’isoler votre enfant.
  • Prenez un temps pour comprendre et confirmer les raisons qui ont poussé votre enfant à fuguer. Abordez la fugue et ce qu’il ressenti pendant celle-ci : a-t’il trouvé ce qu’il attendait en fuguant ? Comment s’est-il senti durant cette expérience ? Est ce qu’il a eu peur ? Est ce qu’il s’est senti soulagé ? Est-ce que cela été satisfaisant pour lui ? Laissez de côté ce qu’il a fait durant sa fugue, où il était et avec qui : ces questions pourront venir plus tard, une fois la confiance restaurée. Attention : si la discussion devient difficile ou prend un tournant auquel vous ne vous attendiez pas, arrêtez là et reportez l’échange au lendemain, lorsque vous serez plus calmes et que vous et votre enfant y aurez réfléchi.
  • Proposez des solutions. Vous pouvez établir des règles de vie, notamment sur les sorties, que tous s’engagent à tenir. L’idée est de mettre en place un cadre rassurant pour vous sans pour autant enfermer le jeune. Il est important que cette démarche de reconstruction des règles de vie se fasse avec votre enfant. Lorsque l’entente est trouvée, vous pouvez décider de les mettre en place sur une certaine durée et de les évaluer à la fin de cette période. Vous pourrez alors féliciter votre enfant s’il a tenu ses engagements et lui démontrer ainsi que la discussion est préférable à la fugue en cas de tension. De votre côté, il faudra réussir à lui faire confiance.

Si la communication est compliquée ou si vous n’êtes pas en mesure d’entendre les difficultés que votre enfant a rencontrées durant sa fugue, vous pouvez faire appel à une personne neutre. Un proche en qui votre enfant et vous avez confiance ou un professionnel : un médiateur familial, un psychologue ou des écoutants sur les numéros d’appel gratuit : voir l’annuaire.

Envisager des alternatives au retour à la maison

Si l’échange n’est pas possible ou si la vie familiale devient très conflictuelle, vous pouvez opter pour :

  • L’hébergement chez un proche en qui vous avez confiance. Vous établirez alors en amont avec votre enfant la durée du séjour, le rôle du proche et les raisons de cet hébergement temporaire.
  • Un accueil provisoire dans des structures spécifiques, qui proposent par ailleurs des médiations entre vous et votre adolescent.
  • L’alternative d’un internat. Cette solution doit vous convenir à tous, l’adolescent doit être partie prenante de ce sujet pour que cela ait des répercussions positives dans votre vie familiale.

N’hésitez pas à prendre conseil par exemple auprès du service social de votre mairie, de la maison des adolescents de votre département ou de l’établissement scolaire de votre adolescent. Ils pourront vous aider à envisager diverses solutions en lien avec votre région.

Attention, il est probable que la fugue de votre enfant vous ai affectée au point qu’il vous soit difficile de mesurer vos émotions. Le 116000 Enfants Disparus peut vous aider à prendre de la distance en réfléchissant concrètement avec vous à la manière de reconstruire la relation avec votre enfant, n’hésitez pas à appeler.

Renouer le lien, petit à petit

Judith, une jeune fille de 15 ans fugue pour la troisième fois. Elle est partie vivre avec un garçon mineur qui est connu pour des actes de délinquance et les gendarmes sont agacés d’aller la chercher à chaque fugue au domicile du père du garçon…

Les parents appellent le 116 000 Enfants Disparus en novembre, après la troisième fugue, ils sont désemparés. Bien que séparés, ils font alliance pour renouer contact avec leur fille et la persuader de retourner vivre chez sa maman.

La psychologue du 116 000 Enfants Disparus commence alors une série de rencontres téléphoniques auxquelles participent les deux parents pour travailler au retour de la jeune fille. Il s’agira de faire en sorte que celui-ci ne soit pas imposé mais que, de contact en contact, les liens soient renoués par Judith elle-même.

Ensemble les parents prennent contact avec la maman du garçon qui pensait que Judith avait été « mise à la porte ». Un courrier est envoyé au père du garçon pour lui rappeler qu’il n’a pas le droit d’héberger Judith contre la volonté de ses parents. Ceux-ci prennent le soin d’en avertir la jeune fille. Suivant les conseils de la chargée de dossier, petit à petit, les parents de Judith reprennent contact avec elle. Chaque rencontre est préparée à l’avance et les termes en sont négociés. Cela se fait d’abord à l’occasion de rendez-vous médicaux. Judith dort chez son père accompagné du jeune homme. Puis, elle revient seule et enfin, début mars, retourne vivre chez sa mère, reprend sa scolarité avec la complicité bienveillante du collège.

Le cycle des fugues a été interrompu, la jeune fille continue à voir son ami un week-end sur deux chez la mère de ce dernier.